Marie Hervé & Elsa Martinez 


 



EMPEDOCLE
ANECDOTE #5


2022


FR.
english and italian version available soon




1.
Une île surgit, au XVIIIème siècle, en face du petit port de pêcheurs de Sciacca. On appelle cette île : Empédocle, puis par bien d’autres noms. Elle est la fille d’un volcan que personne n’a vu, noyé dans la mer, souterrain. Pourquoi Empédocle ? Parce que le mystère, parce que les éléments, la machine du cosmos. Il y a tout, l’eau, la terre, le feu, l’air. Empédocle revient de l’Etna où il est mort pour surgir, fait de lave toute neuve, cristallisée par la mer, en face des pêcheurs. À l’air libre une nouvelle terre, faite de feu portée par l’eau : une île.

Qu’est-ce que l’effet d’île ?
                               

3. Ensuite on cherche à savoir comment, de l’île, se rendre propriétaire.
Les rochers et les cailloux et les eaux bleues et les kilomètres devraient pouvoir nous appartenir. L’île émerge et disparaît par trois fois : 1701, 1831, 1863. L’île doit être l’île du roi; on l’appelle Ferdinandea. Pour les anglais, elle est l’île Graham, pour les français elle est Julia. On donne à l’île des noms de prénoms, à mesure que se battent les propriétaires.


4. C’est une île rouge. Encore brûlante, l’eau de mer grimpant sur elle se réchauffe jusqu’à prendre la couleur des incendies. Par trois fois, assiégée de vagues, elle disparaît. On y plante des drapeaux inutiles. On s’inquiète, beaucoup, de drapeaux. Le problème des drapeaux, c’est qu’eux aussi se noient dans la mer. On persiste. L’île morte peut-être reviendra-t-elle. Il s’agit de savoir à qui appartient l’incertitude, le mirage, l’Atlantide capricieuse qui refuse de garder la tête hors de l’eau, pour les diplomaties des terriens imbéciles. On finit par déposer cent cinquante kilos de plaque de marbre, en avion, au-dessus d’un fantôme. Le marbre gravé dit, ceci qui n’est plus nous appartient. Est-ce une île ou un rocher, un rejeton aléatoire des éléments ? C’est un memento mori de peintre. Une joute posthume d’Empédocle; vous qui collectionnez les éléments, voici comment les éléments vous saluent. En fabriquant du naufrage.





2. D’abord on lui donne un nom. Les terres portent un nom comme les mers. Donner le nom c’est la rendre à soi, habitable et reconnaissable. Au milieu du non-lieu qui est la mer, mer à laquelle on a donné le nom latin de Mer au milieu des terres : Méditerranée.

La mer au milieu des terres abrite des terres au milieu de l’eau. Empédocle est un feu liquide rendu pierre par la mer d’où elle est née. Le soleil qui l’éclaire lui aussi est un feu suspendu dans l’air.
Le spectacle est complet.





5. Toujours il faut le point de chute entre deux eaux. Un nouveau rocher, ne serait-il qu’un cailloux voué à la noyade, c’est un eldorado. C’est l’effet de vide qui est l’effet d’île, à savoir la possibilité nue. Les espaces inhabitables, les déserts, les courants océaniques, les sommets de montagne et les lunes ont ceci en commun qu’ils agitent le désir d’y planter des drapeaux. Que l’île vive six mois pour ensuite retourner à son abysse aquatique ne suffit pas à enrayer la machine. Que l’île meure par trois fois, et c’est trois fois plus de désir, trois fois plus de drapeaux, trois fois plus de fantasme désespéré.





Now the shadow of the column — the column which supports the southwest corner of the roof — divides the corresponding corner of the veranda into two equal parts. This veranda is a wide, covered gallery surrounding the house on three sides. Since its width is the same for the central portion as for the sides, the line of shadow cast by the column extends precisely to the corner of the house; but it stops there, for only the veranda flagstones are reached by the sun, which is still too high in the sky.
The wooden walls of the house — that is, its front and west gable-end — are still protected from the sun by the roof (common to the house proper and the terrace). So at this moment the shadow of the outer edge of the roof coincides exactly with the right angle formed by the terrace and the two vertical surfaces of the corner of the house.

Now A... has come into the bedroom by the inside door opening onto the central hallway. She does not look at the wide open window through which — from the door —  she would see this corner of the terrace.
Now she has turned back toward the door to close it behind her. She still has on the light-colored, close-fitting dress with the high collar that she was wearing at lunch when Christiane reminded her again that loose-fitting clothes make the heat easier to bear. But A... merely smiled: she never suffered from the heat, she had known much worse climates than this — in Africa, for instance — and had always felt fine there. Besides, she doesn’t feel the cold either. Wherever she is, she keeps quite comfortable. 














Cargo Collective 2017 — Frogtown, Los Angeles